R.S : Bonjour Mathilde.

M.S : Salut Reynald, merci de m’accueillir sur RS Doublage.

R.S : Tu as fait de très nombreuses formations (danse, théâtre, musique, marionnettes, clown, etc.). C'est un besoin impératif d'explorer de nouveaux moyens d'expression ? De trouver celui qui te convient le mieux ?

M.S : J’ai pas l’impression d’avoir fait tant de formations - ahah ! C’est surtout que j’ai commencé très tôt ; j’ai eu la chance d’avoir sur mon chemin une prof de danse extraordinaire qui m’a confirmée dans ma sensibilité artistique et qui m’a permis de croire que c’était possible de vivre de sa passion. La discipline qu’il y avait dans ses cours et l’investissement très pro pour la mise en scène des spectacles m’apportaient le cadre dont j’avais besoin. Il y avait la place "d’être" tout en étant dans un groupe. Ce qui est rarement le cas en milieu scolaire. Je suis restée 20 ans son élève, j’ai développé mon goût de la mise en scène, de la musique et de l’interprétation, en parallèle j’ai acquis d’autres techniques. Je faisais partie de ces ados qui ont danse classique le lundi, théâtre le mardi, re théâtre le mercredi aprem, chant le mercredi soir, danse contemporaine le jeudi, danse jazz le vendredi, qui sont en spectacle le week-end ou en stage de création chorégraphique et bossent pendant les vacances scolaires pour payer leurs cours. Bref "choisir c’est renoncer", c’est pourquoi je choisis de ne pas choisir... Même si aujourd’hui j’ai essentiellement l’étiquette comédienne - chanteuse, je n’oublie pas que j’ai commencé la scène à 9 ans grâce à la danse. Tous les arts sont liés, complémentaires. Toutes ces "formations" ce sont des expériences qui ont pour but de se connecter aux autres et à soi, c’est la forme qui change, pas le fond. Il ne s’agit que de ça : Vibrer. J’adore aussi transmettre, si on ne veut pas tourner en rond dans son enseignement, c’est important de se recharger avec différents pédagogues.
Alors peut-être, oui, que c’est un besoin impératif. En tout cas j’ai toujours fonctionné comme ça. Et "le meilleur moyen d’expression" d’aujourd’hui sera très probablement différent de celui de demain, car on n’a pas toujours les mêmes choses à dire.

R.S : Qu'est- ce, d'ailleurs, que la formation "bols chantants – sonothérapie" ?

M.S : Encore une histoire de vibrations et de belle rencontre - ahah ! J’aime beaucoup tout ce qui touche à "l’énergétique" : les corps subtils, les chakras… tout ça !
À travers la danse et le chant j’avais déjà identifié que la musique m’amène dans des états de conscience modifiée. J’ai rencontré Guillaume Gonin "par hasard", j’ai été intriguée par ses bols chantants, qu’on appelle souvent tibétains. Au début c’était de la curiosité. Puis j’ai voulu creuser le sujet auprès de cette formidable personne. J’ai commencé à encadrer des méditations sonores dans une yourte au cœur de la forêt de Fontainebleau. Ce sont des instants de partage forts où les gens sont libres de lâcher prise et déposer ce qui est prêt à l’être. Des parenthèses d’harmonie hors du temps. J’ai récemment joué des bols pour une expo, avec un petit voyage sonore pour les scolaires. Le temps d’échange avec les enfants a été magique.

R.S : Tu sembles très attirée par l'Afrique. Outre les stages de danse africaine que tu as suivis, tu as un niveau débutant en wolof, ce qui n'est pas commun. Il y a une raison particulière à ça ?

M.S : J’ai effectivement vécu un peu au Sénégal. En 2010, après la fac, l’EDT91 et deux années à passer les concours pour les écoles nationales de théâtre, j’avais besoin d’ailleurs. À la base j’étais partie pour 2 semaines de stage de danse afro traditionnelle. Puis j’ai été présentée à la grande papesse de la danse contemporaine africaine, Germaine Acogny. Une femme exceptionnelle. J’ai eu la chance d’être son élève. Après 6 mois à l’école des Sables de Toubab Dialaw, j’ai eu envie de rester, de vivre "à la sénégalaise". Pour le faire bien ça impliquait d’apprendre le dialecte local. Je suis restée presque 5 ans. Je faisais des allers-retours pour des contrats. Cette période est loin maintenant. J’y ai beaucoup appris. Je continue de danser la technique Acogny. J’ai été extrêmement flattée quand elle m’a demandé d’être son assistante en 2020 pour le Théâtre de la Ville. En revanche je n’ai plus vraiment l’occasion de parler wolof, ça me manque.

R.S : Qu’est-ce qui t’a donné l’envie de faire du doublage ?

M.S : Un peu le hasard encore une fois. C’était en 2017, j’avais des droits Afdas, je me suis dit "pourquoi pas ?". Ma première masterclass c’était avec Thierry Ragueneau. Il est tellement chouette. J’ai toute suite accroché avec la discipline et ce rapport à l’"ici et maintenant". J’ai ensuite rencontré différents DA, me confortant dans le plaisir que je prenais à la barre. Puis Isabelle Brannens m’a donné ma chance avec le rôle de Nina Prentiss dans Three Girls.

R.S : Etait-ce une discipline à laquelle tu pensais lorsque tu as débuté ton parcours artistique ?

M.S : Eh bien, je crois même qu’on peut dire que Claire Guyot a été un fort déclencheur de ce parcours. Quand La Petite Sirène est sortie, j’avais 4 ans. Il paraît que j’ai saoulé mes parents pour le voir encore et encore au cinéma. J’ai tellement saigné la chanson "Partir là-bas" ahahah ! Jusqu’à présent je la chante souvent. Toute petite, mon rêve c’était de pouvoir interpréter une princesse Disney (très original, n’est-ce pas ?). Mon rêve a changé, maintenant je veux faire la très méchante - ahaha !

R.S : Qu'est-ce qui t'a semblé en être une difficulté, si toutefois tu en as eu lorsque tu l'as abordée ?

M.S : Pour moi, la partie la plus complexe c’est celle qui consiste à "démarcher / se vendre auprès des DA". Ça fait parti de notre taf mais je trouve que c’est désagréable pour tout le monde. On a toujours peur de déranger. Ça demande une énergie de dingue et on n’est jamais sûr que ce soit bien reçu, ils sont sollicités en permanence. En ce qui concerne la pratique en elle-même, il peut toujours y avoir des couacs ! Ça dépend, entre autres, de comment ce qu’on double entre en résonnance avec nous. Parfois c’est hyper fluide, parfois ça prend plus de temps. On n’est pas des machines. On bosse, on cherche, on se plante, on recommence.
On apprend, à chaque enregistrement, à chaque rencontre (de DA, d’ingé son, de partenaire de jeu, mais aussi de comédienne à qui on prête sa voix), et il faut que ça continue, sinon y a plus de "jeu".

R.S : Quels sont tes loisirs ?

M.S : Est-ce que, quand on est comédienne, aller voir des spectacles est un loisir ? Je le fais le plus souvent possible. Quand je ne bosse pas, ce qui est rare, j’essaie d’aller en forêt, de méditer, de faire du yoga. De me recentrer. J’aime aussi beaucoup me balader au Louvre, même juste 1h. Ce lieu est tellement puissant. Puis, simplement, j’aime passer des moments de qualité avec mes amis, mais il finit toujours par y avoir une guitare, de la chanson, des harmonies et de la danse à un moment - ahah.

R.S : Merci beaucoup Mathilde.

M.S : Merci à toi.

Interview de mars 2023