R.S : Bonjour Emma.

E.S : Bonjour Reynald. :-)

R.S : Pourquoi avoir commencé toutes ces différentes formations artistiques (danse, chant, théâtre...) ? Étais-tu indécise sur ce vers quoi tu voulais te diriger professionnellement ou bien était-ce le désir d'explorer un maximum de disciplines ?

E.S : Je suis née dans une famille d’acteurs et d’artistes en tout genre. Même ceux qui ne sont pas directement artistes travaillent dans la culture. Mon père est comédien, mon oncle l’était aussi, ma mère est productrice de théâtre, mon frère aussi, une de mes sœurs fait du chant lyrique, une autre peint, l’autre dirige un théâtre.  En bref, on a tous un pied dedans et j’ai eu la chance d’avoir accès à beaucoup d’univers artistiques dès mon plus jeune âge. Un jour j’ai vu un ballet à la télé et j’ai, je crois, fait un sketch à mes parents pour qu’ils m’emmènent danser. J’avais trois ans. Et j’ai continué la danse en sport études à 25h/semaine jusqu’à mes 15 ans, où je me suis blessée, puis à 18 ans j’ai repris et à 20 j’ai compris que ce milieu n’était pas pour moi. J’ai fait Lecoq pour ne pas trop m’éloigner de la danse mais commencer à toucher vraiment au théâtre et après je me suis laissée embarquer, je me sentais bien et j’ai voulu en faire mon métier, aucun regret. Le chant ça m’a toujours accompagnée, je chante partout tout le temps, beaucoup dans la rue, à vélo. J’aimais tellement ça que j’ai monté un groupe de reprises de jazz avec des amis quand j’avais 20 ans et je n’ai jamais pu arrêter de chanter. Et je n’arrêterai jamais je crois, c’est trop bon !

R.S : Elles revêtent pour toi dans ton trajet la même importance que la comédie ?

E.S : Elles font toutes parties de moi, je les ai vécues, aimées, travaillé dur. Elles ne s’expriment juste pas toujours au même moment. Si je peux les allier, je le fais, sinon je les laisse vivre leur vie à travers la mienne, elles m’accompagnent toutes. Elles ont donc toutes leur importance, juste pas toujours aux mêmes endroits.

R.S : Par quelle expérience as-tu commencé ton parcours professionnel ?

E.S : Ma toute première expérience, c’était enfant, j’étais figurante à l’opéra de Paris dans plusieurs productions. Bien plus tard, à la fin de mon parcours de danseuse, j’ai initié un projet de danse contemporaine. On a chorégraphié la pièce à 5, on a joué à Paris et à Avignon et on a arrêté. En théâtre ma première expérience pro c’était lors de ma première année à l’école de théâtre de Vitry. Je jouais L’invitation à la Valse de Dumas aux côtés, entre autres de Damien Boisseau. On riait bien, c’était une comédie classique dans son jus, on était en costume d’époque. On a joué à Paris, en tournée et à Avignon, c’était formateur pour moi qui était parallèlement en cours. C’est là que j’ai vraiment commencé aussi à parler du doublage puisque j’ai passé du temps avec Damien, qui m’a parlé de son parcours.

R.S : C'est amusant de voir que tu as joué le rôle de Montfleury dans Cyrano à une époque où on n'était pas encore dans la fureur du "non-genré" !

E.S : Ahah ! Oui ! Et Carbon, avec son raccord moustache ! A la base, je me souviens très bien, j’étais à Avignon, et j’ai vu passer un avis d’audition pour un Cyrano qui allait se monter. C’est un de mes plus grands souvenirs d’enfance cette pièce. Je l’ai vue plus de 40 fois sur scène avec mon père dans le rôle de Cyrano et Benoit du Pac en Christian, que j’ai retrouvé il y a peu en studio d’ailleurs. Je ne l’avais pas revu depuis 25 ans. J’ai donc vu cet avis d‘audition et ma sœur qui connaissait le metteur en scène de loin m’a dit qu’elle allait l’appeler. Il accepte de me recevoir et, pour la première fois, pour préparer l’audition j’ai travaillé une scène avec mon père. Je voulais mettre toutes les chances de mon côté et l’occasion était trop belle. Me voilà donc dans le train pour aller passer cette audition à Paris. Je précise qu’à la base j’auditionnais pour Roxane, ahah ! Raté ! Mais Alexis a aimé ma proposition tout en me disant qu’il ne me voyait pas en jeune première, il a cherché un moyen de m’intégrer au spectacle. J’ai donc joué ces rôles masculins. J’ai bien ri, je portais un énorme manteau en fausse fourrure rose recouvert de fleurs et je jouais en faisant la Castafiore pour Montfleury et plus tard j’étais en capitaine des cadets, entourée de mecs plus grands, plus larges que moi et je faisais leur chef, avec une épée, un gros accent du sud et une fausse moustache. J’y ai trouvé mon parti, c’était enrichissant, je devais jouer, à fond, en mettant de côté tout mon orgueil de jeune comédienne qui voulait jouer l’héroïne d’une pièce. J’ai dû m’affirmer, puiser ailleurs en moi. D’ailleurs cette pièce et cette question me suivent car j’y reviens dans pas longtemps. La prochaine créa de ma compagnie est en cours d’écriture et on va parler de l’injonction à la beauté chez les femmes à travers la pièce de Cyrano et cette fois ci, je joue Cyrano !

R.S : Comment as-tu fait tes premiers pas dans le doublage ?

E.S : J’ai commencé le doublage avec Roland Timsit. En fait, à la base il m’avait embauchée dans un spectacle musical dans lequel on jouait aux côtés de 40 élèves de 6e de deux collèges du 19e arrondissement, qui avaient écrit la pièce avec David Ajchenbaum lors d’ateliers. On était avec Xavier Fagnon et Roland Timsit sur scène et les 40 gamins. Roland mettait aussi en scène le spectacle. Et puis un jour il m’a proposé d’assister sur l’enregistrement d’une série qu’il dirigeait et puis il m’a fait passer un essai. Il m’a dit que je m’en étais plutôt bien tirée et il m’a convoquée à plusieurs reprises peu de temps après. Ensuite il a suggéré que je rencontre d’autres DA. J’ai eu la chance de rencontrer Danielle Perret et Michel Derain, qui m’ont fait travailler, puis Michel Derain m’a mis en relation avec Béatrice Delfe pour que je me forme à ses côtés dans la formation de Titra. Puis de fil en aiguille j’ai travaillé davantage et ça me plait trop.

R.S : Etait-ce une discipline que tu envisageais lorsque tu as débuté ?

E.S : Ça m’a toujours interpelée et donné envie mais je ne savais même pas à l’époque que je pourrais en faire, ça me paraissait complètement inaccessible avant de démarrer, comme si c’était trop haut pour moi, mais finalement je suis bien contente de ne pas m’être écoutée.

R.S : Quels sont tes loisirs ?

E.S : Comme je te disais plus haut, je chante énormément, donc j’essaie de faire de la musique, je prends des cours de chant très régulièrement, on fait de la musique avec des potes. J’ai enregistré beaucoup de vidéos de chant pendant le confinement. Sinon moi je suis assez gourmande et joueuse globalement donc j’aime bien essayer pleins de choses. Faut profiter et s’amuser dans la vie sinon c’est trop triste.

R.S : Merci beaucoup Emma.

E.S : Merci à toi !

Interview de mai 2023