R.S : Bonjour Sophie.

S.T : Bonjour Reynald, bonjour à tous !

R.S : Qu'est-ce qui vous a attirée vers le travail de la voix ?

S.T : J’ai toujours donné de la voix. Enfant, avec mon timbre très haut perché et mon coffre, j’en mettais plein les oreilles à tout le monde... et j’aimais beaucoup m’amuser avec ça ! Rien de très conscient au départ, donc.

R.S : Vous ne désirez pas monter sur une scène ou jouer devant une caméra ?

S.T : Adolescente et jeune adulte, j’ai voulu me lancer dans une carrière de comédienne au théâtre et au cinéma. Mes premières expériences sur scène et devant la caméra m’ont permis de prendre conscience du fait que je détestais mettre mon corps en jeu, qu’il soit visible, jaugeable, jugeable, ce qui peut être un gros problème quand on veut devenir comédienne :-)
J’ai donc choisi de m’exprimer autrement, en étant plutôt derrière la caméra, comme réalisatrice.

R.S : Comment avez-vous débuté professionnellement ?

S.T : Je suis arrivée dans ce métier un peu par hasard en fait. Disons que mon parcours n’est pas vraiment linéaire. Pour financer ma carrière de réalisatrice, j’ai travaillé comme rédactrice et directrice artistique dans une société de création d’audioguides. Par souci d’économie, mon patron m’a un jour fait faire la maquette d’un projet. Et là, révélation ! Ma voix est "microphonique", elle passe super bien, elle a un petit quelque chose qui plaît beaucoup au client, et celui-ci décide de conserver ma voix pour la version définitive.
Et moi, je me sens enfin à ma place derrière un micro, dans la pénombre du studio, pour jouer seulement avec ma voix. Alors je me forme et me lance enfin dans une carrière de comédienne... voix.

R.S : Y a-t-il des comédiens qui vous ont particulièrement donné envie de faire ce métier ?

S.T : Une voix m’a marquée, oui. L’ancienne voix de la chaîne Arte, cette voix éthérée, mutine, avec une musicalité très ouverte, qui a enchanté ou agacé jusqu’au début des années 2000. Cette voix, d’une certaine manière, a aussi marqué ma carrière. C’est en m’inspirant d’elle que j’ai décroché le casting du magazine Court-Circuit sur Arte. Une collaboration qui dure depuis maintenant 13 ans.

R.S : Vous avez réalisé le film "Belladones" qui a remporté un prix d’interprétation pour le trio de comédiennes. Vous en aviez écrit le scénario ? La production en a été aisée ?

S.T : Belladones est mon premier long-métrage sorti au cinéma en 2022. C’est un film à part, un film dit "guérilla", l’un des premiers à raconter ce que nous avons tous traversé pendant le premier grand confinement de 2020, et que j’ai décidé de tourner à chaud, juste après.
J’ai écrit le scénario en quelques semaines, en même temps que je préparais le tournage et que je répétais avec les comédiennes. À partir du socle de départ que je proposais, les personnages se sont consolidés grâce aux impros que nous avons multipliées. L’engagement des comédiennes et l’attention portée sur les nuances du jeu sont pour beaucoup dans la réussite du film.
J’ai porté le film de bout en bout, et c’est l’une des expériences de liberté créative les plus dingues que j’ai vécues.

R.S : Pour votre court-métrage d'animation "Traces", vous notez "Shortlist Césars et Oscars 2021". Qu'est-ce que ça signifie ?

S.T : Il faut savoir que la vie d’un court-métrage se joue essentiellement en festivals. Cela signifie que Traces, alors que nous vivions des confinements à répétition depuis un an, que les festivals de cinéma s’annulaient les uns derrière les autres en compromettant la vie du film, que le lobbying était quasi impossible à mener, est parvenu à attirer l’attention des votants de The Academy et fait partie des 10 courts-métrages d’animation oscarisables, l’un des dix films dans le monde à pouvoir prétendre à cette distinction, et jamais je n’aurais pu imaginer un truc pareil :-)

R.S : Quels sont vos loisirs ?

S.T : Lecture +++, yoga ashtanga, marche dans la forêt.

R.S : Merci beaucoup Sophie.

S.T : Merci beaucoup Reynald et bonne écoute à vous tous.

Interview de janvier 2025