R.S : Bonjour Soizic.

S.F : Bonjour Reynald !

R.S : D'où vient que tu parles couramment l'anglais ?

S.F : Eh bien, j’aime les langues étrangères en général et, comme j’ai l’oreille musicale, j’intègre assez vite. J’ai également de la famille suisso-anglaise, avec qui je suis régulièrement en contact, donc ça entretient un peu, au long de l’année. J’ai aussi énormément voyagé seule avec mon sac à dos, donc beaucoup pratiqué l’anglais des backpackers ! Et puis, durant mon cursus "classique" de formation théâtrale de l’acteur, j’ai intégré en parallèle le cours d’Actor Studio de Lesley Chatterley, que j’ai suivi pendant 2 ans. Elle a été mon premier "maître" de théâtre. Et 9h de cours de théâtre en anglais par semaine, pendant 2 ans, ça aide !
J’ai aussi vécu une année au Canada, où je travaillais avec des adultes autistes, trisomiques et psychotiques. Autant de raisons passionnantes de pratiquer l’anglais, en somme.

R.S : Après ta maîtrise de cinéma et ton DEUG arts du spectacle à l'université de Bordeaux, tu as été éducatrice spécialisée auprès d’autistes, trisomiques et psychotiques au Canada. C'est étonnant, cet intermède à la fois géographique et professionnel dans ton parcours !

S.F : Oui, c’est vrai. Parfois la cohérence des parcours ne semble pas toujours évidente, vue de l’extérieur. En l’occurrence, à chaque moment décisif d’orientation professionnelle, j’ai toujours été partagée entre le domaine du "social" et de l’"artistique". Je suis aujourd’hui encore parfois confrontée à ces envies "à deux têtes". Lorsque l’occasion de partir au Canada s’est présentée, à l’issue de mon mémoire universitaire sur le cinéma, je voulais être réalisatrice de documentaires. Et finalement, suite à cette expérience professionnelle d’éducatrice auprès de handicapés, au bout d’un an je suis rentrée en France avec dans l’idée de passer le diplôme d’éducatrice spécialisée. J’ai finalement choisi un autre chemin, mais je sens que, d’une manière ou d’une autre, je me tournerai à nouveau vers cette voie-là. Je pense qu’il y a quelque chose de complémentaire dans le fait à la fois de travailler son "soi", d’être "au service de soi-même", comme peut l’être l’artiste, comme outil de travail et médiateur "artistique", et de travailler au service d’autrui. Je ne sais pas si je suis claire ? En tout cas, ces deux aspects, pour moi, sont cohérents et fonctionnent ensemble.

R.S : Un parcours extrêmement varié dans le domaine artistique, du reste, puisque tu as été assistante de production, tu as fait de la commedia dell’arte, de l'escrime artistique, l'Ecole du cirque de Nanterre, du mime...

S.F : Hahaha ! Oui, c’est un peu vrai ! Bon, toute la première partie de ma vie professionnelle, c'est-à-dire assistante de prod dans le cinéma et l’audiovisuel, puis chargée de diffusion, ou des marchés publics dans la distribution AV, a été pour moi des expériences... intéressantes... mais très éloignées de ce que je voulais faire vraiment. La révélation a été, pour moi, la reprise de cours de théâtre, plus tard, à l’âge avancé de 27 ans. Là, je suis vraiment repartie sur la voie qui me plaisait. Je me suis beaucoup investie et, depuis, j’ai exploré pas mal de domaines de "théâtre corporel". Issue d’études littéraires, autant j’adore le texte et les mots, autant pour moi le travail du corps pour l’acteur est prépondérant. Et selon les personnages abordés sur le plateau, selon les metteurs en scène, selon mes envies, je me suis régalée à expérimenter le corps dans tous ses états : trapèze, acrobatie, escrime, commedia, mime, danse... Alors attention, je n’excelle en rien ! Mais j’ai de la matière sous le coude, et j’adore bouger et j’apprends vite.

R.S : Tu as également fait du bénévolat à La Louve et au MIAA. Quels sont ces organismes ?

S.F : Ah oui ! Je t’en parle avec joie. Je commence par le MIAA, Mouvement d’Intermittents d’Aide aux Autres. C’est une asso dont je fais partie depuis 7 ans, basée dans le 19e, et qui cuisine et distribue 120 repas tous les midis, du lundi au vendredi, aux personnes isolées qui vivent dans la rue. L’équipe du matin cuisine, l’équipe du midi-après midi part en maraude et distribue les repas au cas par cas. Cette asso permet aux intermittents, travailleurs indépendants, auto-entrepreneurs, pigistes... de pouvoir participer à une démarche d’entraide sociale, sans s’engager sur un créneau récurrent à l’année. Ce qui est assez génial, car tout le monde peut s’inscrire au planning au coup par coup. Il y a essentiellement des intermittents (surtout des gens du cinéma), mais c’est ouvert à tous. On cuisine ensemble, on met en barquette, on charge les 2 voitures de l’asso et les 4 maraudeurs (2 par voiture) partent faire leur tournée. On organise aussi 2 grandes braderies géantes par année, constituées des stocks de costumes et d’accessoires de fin de tournage, de dons des prods et des particuliers, et cela permet d’alimenter les comptes de l’asso sur l’année. Bienvenue à tous !  Inscrivez-vous ! Il y a un site Internet : http://www.miaa.fr/
Quant à la Louve, c’est un peu différent : c’est un supermarché coopératif (on adhère au projet, chacun achète une part) et participatif (3h de bénévolat par mois pour le bon fonctionnement du supermarché). La charte produits consiste en des produits issus de l’économie locale, durable, de saison, soit biologique, soit équitable. Il n’y a aucune censure sur les produits (parfois on peut trouver un produit avec de l’huile de palme par exemple), le principe étant de responsabiliser le consommateur à sa consommation : ce qui n’est pas acheté n’est plus commandé. Personnellement, je suis ra-vie de participer à ce projet d’économie durable depuis presque 3 ans, et je vous encourage à regarder ça de plus près : https://cooplalouve.fr/
Evidemment, ce projet n’a d’intérêt que si on a déjà à cœur de consommer autrement, de manière plus conscientisée.

R.S : Lors du Tour de France 2017 tu as été comédienne sur la caravane publicitaire pour FDJ. De quoi s'agissait-il ?

S.F : Oui, c’est vrai. Ce n’est pas mon grand rôle, en tant que comédienne, moi qui ai joué Roxane, Antigone et Ophélie, mais bon ! La caravane publicitaire précède les coureurs. Il s’agit d’une succession d’énormes chars customisés par les marques sponsors du Tour de France. Et ce défilé passe sur toutes les étapes du Tour, à grand bruit, avec des petits cadeaux distribués à la foule en délire. Mon travail de "comédienne" consistait à animer pendant toute la durée du Tour, sur le parcours des étapes (4h), un char pour la Française des Jeux : accrochée à un harnais, debout sur mon char customisé, lancé à plein vitesse, j’apostrophais et improvisais auprès du public, pour créer l’animation autour de la FDJ, pendant qu’une hôtesse distribuais des cadeaux. Encore une expérience... Intéressante.

R.S : Comment as-tu pris le chemin du doublage ?

S.F : J’ai tourné dans un long métrage médiéval fantastique, un projet un peu fou réunissant 300 bénévoles, que nous avons tourné pendant 8 ans, et nous avons dû post-synchroniser tous les dialogues (95% du film, qui fait au final 2h15 !) ! Un travail énorme. On a du tout ré-enregistrer. C’était ma première expérience de doublage : je me suis doublée moi-même. J’ai trouvé génial ! C’était un travail à l’oreille, avec une courbe de sons (pas de rythmo), mais c’était comme de la musique. Ca m’a beaucoup plu et comme mon personnage était le rôle principal féminin, j’ai passé plusieurs jours dans les studios de Dailymotion. Ensuite, dès que ça a été possible, j’ai choisi de me former au doublage, "juste pour voir", sans aucune stratégie ou idée derrière la tête. La formation était top. Et j’ai a-do-ré. C’est un peu déconcertant au départ, de rentrer dans les chaussures d’une autre mais, finalement, maintenant, je le prends à l’inverse : la femme à l’image me remplit, me nourrit, me donne ses clés, et ensuite, j’y vais. J’aime chanter, j’ai un tout petit peu travaillé à la radio, et j’adore mon métier de comédienne : là, c’est comme si tout se recoupait. J’adore.

R.S : Quels sont tes loisirs ?

S.F : La randonnée en pleine nature, me baigner, lire, aller au théâtre, voyager, chanter, jardiner, le MIAA, écrire, passer du temps avec des enfants ou des animaux, cuisiner, regarder les gens, faire du yoga et du Pilates. J’aimerais aussi beaucoup arriver à méditer, mais je n’y arrive pas encore. Un jour, quand je serai plus grande...

R.S : Merci beaucoup Soizic.

S.F : Merci à toi, surtout !

Interview de mai 2020