R.S : Bonjour Anne-Charlotte.

A.C.P : Bonjour Reynald.

R.S : Quel a été ton parcours de comédienne ?

A.C.P : Après 18 ans de danse moderne, j'ai eu envie de mettre des mots sur tout ça. Je suis arrivée en fac d'Histoire et comme j'avais pas mal de temps libre, je me suis inscrite à mon premier cours de théâtre. J'ai terminé mon master de Conservateur du Patrimoine, à Lille, et je suis venue à Paris pour y faire une nouvelle école de théâtre, à temps plein.

R.S : Ton jeu peut-il être influencé par un lieu, un public, une ambiance... ?

A.C.P : Oui, bien sûr. On joue avec ce qui nous entoure, ce qui nous traverse au moment présent. Que se soit un public acquis ou malveillant, voire amorphe, il faut jouer avec et s'en nourrir.

R.S : Quels sont les rôles qui t'ont marqué particulièrement ?

A.C.P : J'aime les héroïnes tragiques. Je trouve que c'est les plus beaux personnages féminins et les premières féministes de toute l'histoire de la littérature. Elles s'élèvent contre les traditions, contre les normes au nom de leurs désirs. Elles vont au bout et s'assument jusqu'au bout. La tragédie est le lieu des femmes puisque, par définition, l'action se déroule "à l'intérieur", pendant que les hommes font les forts "à l'extérieur". Elles interrogent la tradition (étant détentrices de sa transmission), les dieux, le pouvoir, leur condition. C'est donc aussi le lieu de la Parole et, par conséquent, celui du Théâtre… Je peux passer des heures sur le sujet. Si je ne devais en retenir qu'une : Clytemnestre !

R.S : La danse fait également partie de ta vie, est-ce que cela t'a servie dans ta vie de comédienne ?

A.C.P : Oui. J'ai appris à prendre conscience de mon corps, de ce que le corps exprime. La parole ne peut pas être énoncée clairement si le corps ne suit pas la pensée. Je pense que mon expérience de danseuse m'a fait gagner du temps dans mon travail d'apprentie comédienne.

R.S : Qu'est-ce qui t'a fait prendre le chemin du doublage ?

A.C.P : Quand je suis sortie de l'école, je n'avais aucune perspective professionnelle (ou presque). J'ai pris rendez-vous au Centre National du Théâtre et c'est là que l'on m'a parlé du doublage. Je n'y avais jamais pensé et surtout, je ne me représentais pas du tout comment intégrer ce monde-là. La personne qui m'a reçue m'a dit : "Sois la première tous les matins, devant les studios. Trouve le chef de plateau et demande à assister." C'est ce que j'ai fait...

R.S : Quels souvenirs t'ont laissés tes premiers instants derrière la barre ?

A.C.P : Beaucoup de plaisir ! J'avais tellement envie de travailler. J'étais tellement heureuse qu'on me donne ma chance. C'était avec Catherine Le Lann. Ensuite, c'est comme tout, plus tu rentres dans le travail, plus tu te rends compte de tout ce que tu as encore à apprendre. J'ai eu la chance d'avoir des "parrains", Benoît du Pac et Guillaume Orsat, qui m'ont convoquée régulièrement. J'ai appris à faire confiance à mon intuition.

R.S : Aujourd'hui comment abordes-tu cette branche de la profession ?

A.C.P : J'adore ! J'aime l'ambiance du plateau, les gens que j'y rencontre et avec qui j'ai l'honneur de travailler. Avec moins d'affect, je dirais que j'y gagne en disponibilité. Le doublage me permet aussi d'emprunter des chemins que je n'ai pas l'habitude de prendre car il faut emprunter le chemin de quelqu'un d'autre. Et il nourrit mon imaginaire avec l'extraordinaire diversité de personnages qu'il propose.

R.S : Quelles sont tes passions en dehors de ton métier ?

A.C.P : Hormis les domaines artistiques (littérature, cinéma, peinture), j'aime le sport et le yoga !

R.S : Merci beaucoup Anne-Charlotte.

A.C.P : De rien, Reynald. C'est un drôle d'exercice, une interview. Merci.

Interview de janvier 2014