R.S : Bonjour Yannick...

Y.B : Bonjour Reynald ! Merci de prendre le temps de t'occuper de mon cas...

R.S : Comment as-tu découvert ton désir d'être comédien ?

Y.B : Grâce à Sergio Leone et Clint Eastwood ! Ils m'ont tellement fait peur étant tout môme que j'ai été marqué à vie... A l'époque, je croyais que j'assistais à un documentaire et que quand un méchant se prenait une balle c'était pour de vrai... Et même si c'était toujours les méchants qui mouraient, je trouvais que c'était un peu "trash" de passer des documentaires si violents le soir juste après le journal TV... Malgré les explications, j'ai été longtemps impressionné par ces "extraterrestres" qu'on appelle "acteurs", et qui arrivaient si bien à me faire croire qu'ils étaient vraiment morts et vraiment méchants... De ce jour l'envie de faire pareil ne m'a plus quitté.

R.S : Tu as tout de suite commencé par une formation théâtrale. La base en somme !

Y.B : Ben oui, parce que quand tu n'es pas américain, qu'en plus tu habites un petit village du fin fond de l'Alsace et que tu tannes tes parents avec tes rêves de cinéma américain, c'est soit la maison de correction, soit trouver une solution pour tenter de se rapprocher le plus possible de ce métier... Et là, j'ai eu la chance d'avoir un père pragmatique qui m'a dit : "Je t'ai inscrit au conservatoire de théâtre, comme ça on verra si tu es vraiment doué pour ça !" Et là ça a été la deuxième révélation de ma vie : LE THEÂTRE ! La base en somme...

R.S : Tu t'es produit en café-théâtre. Le rapport au public doit être différent ?

Y.B : Le rapport au public est toujours différent au théâtre… Chaque soir, chaque spectacle... L'avantage du café-théâtre c'est que la sanction est directe : pas de rire = tu as été mauvais ! C'est évidemment moins facile de se mentir en se disant : "il y avait une belle écoute ce soir" alors que tous les spectateurs dormaient... En plus on est souvent confronté à un public qui n'a pas forcément "les codes" du Théâtre à l'Italienne où l'on se tait et l'on applaudit quoi qu'il arrive. Donc, oui, tout peut arriver tout le temps, à tout moment. On n'hésite pas à t'apostropher, à draguer sa voisine, à te proposer un coup à boire, à passer sur le plateau pour aller faire un petit pipi, à répondre au téléphone pendant le spectacle... C'est vivant, très vivant ! Mais il paraît qu'à l'époque de Shakespeare et de Molière c'était comme ça, alors...

R.S : Tu as même touché à la mise en scène. Est-ce une bonne expérience ?

Y.B : J'ADORE ÇA ! Ce que j'aime tout particulièrement c'est la direction d'acteur plus que la mise en scène en elle-même. Mais n'est-ce pas ça, justement, la mise en scène ?. Aider un acteur à trouver le chemin de son personnage... Chercher, essayer, casser, recommencer, garder, jeter, fixer, "défixer"... Et tout d'un coup ça existe, c'est là. C'est génial ! C'est vraiment un aspect artistique qui me plaît beaucoup, où psychologie et "management" se confrontent et s'affrontent en permanence. C'est vers vous que tout le monde se tourne à la recherche de "LA" solution que vous n'avez évidemment pas vous-même, mais que vous faites croire à tout le monde que vous avez ! Vous êtes le capitaine du navire spectacle. Ça doit chatouiller mes origines bretonnes... Ce furent donc d'excellentes expériences qui, je l'espère, se reproduiront le plus rapidement et le plus souvent possible.

R.S : Comment es-tu entré dans le monde du doublage ?

Y.B : Tout seul avec mon envie et ma pugnacité. Et avec deux trois pistes de copains qui en faisaient déjà ! Mais sinon ça a été deux ans de : "toc-toc ! Je pourrais assister à votre plateau svp ? Je peux vous laisser un CV et une Photo, passer un bout d'essai ?".

R.S : Lors de nos premiers contacts, j'ai senti que tu avais un grand amour pour cette branche du métier. Est-ce la clef de la réussite ?

Y.B : La réussite ? Je n'aime pas trop parler de réussite car je sais trop que dans ce métier rien n'est jamais acquis et que nous sommes en recherche perpétuelle. Alors parler de réussite, pour moi ça me fait penser à la mort. C'est à ce moment que les autres pourront parler ou non de ta réussite. Mais sinon, oui, c'est bien évidemment l'amour de ce métier qui nous touche tous et nous fait tous avancer. L'argent ? Moui peut-être aussi ! Mais pour les autres, alors...

R.S : Lorsque tu es à la barre, est-ce difficile de te mettre en retrait par rapport au comédien à qui tu prêtes ta voix ?

Y.B : Non ! C'est même d'ailleurs le contraire qui se passe. Il faut se mettre en avant, s'engager dans un chemin balisé qui laisse la page vierge au jeu français qui, lui, doit être mis en valeur. Sinon, si tu entends par "retrait" le fait que tu n'as pas créé le rôle et qu'il faut accepter la proposition qui a été faite par l'acteur du film… Si tu n'acceptes pas cette gageure, alors il ne faut même pas essayer de commencer à penser d'envisager de faire du doublage...

R.S : Je me doute que ton métier fait partie de tes grandes passions mais en as-tu d'autres ?

Y.B : Ma femme, mes enfants, les tomates farcies... J'adore les sciences et me passionne pour l'astronomie, la biologie, la nature en général et à mes heures perdues je "bricole" des bonsaïs d'extérieur. Voilà voilà ! Mais n'oublions pas non plus : les bougies flottantes, le Maco moulage, le macramé, la broderie, la philatélie, les cathédrales en collage d'allumettes, le papier mâché, le patchwork, la collection des capsules de bière, la taxidermie...

R.S : Merci beaucoup, Yannick.

Y.B : Merci à toi Reynald ! Et bravo à ceux qui ont eu le courage d'arriver jusqu'ici !

Interview d'octobre 2006